Autokrator – interview avec
Loïc F (juin 2016)
Salut
Loïc et merci du temps que tu nous accordes. Le deuxième album d'Autokrator se
nomme The Obedience To Autority et
vient de sortir via Godz ov War Productions
et Krucyator Productions (la chronique est disponible ici).
J'ai envie
de savoir d'abord, est-ce que ça va?
Salut Cristiano! Oui tout
va bien, un peu fatigué avec la promo, les commandes et le reste de ma vie à
gérer, mais on va pas se plaindre :-)
Étant
donné que le line up est stable (David Bailey au chant, toi qui fais tout le
reste y compris l'écriture, un batteur qui veut rester anonyme), le label aussi
(Godz ov War Productions), l'artwork réalisé encore par Nestor Avalos, on a
envie de dire que "on ne change pas une équipe qui gagne?"
C'est un peu ça en effet.
Le changement de batteur n'était pas prévu mais les impératifs de la vie ont
fait que Oleg n'est plus disponible pour jouer, donc on a eu recourt à un
batteur de session. Sur le premier disque, Brandon n'était "que"
musicien de session, avec qui on a collaboré pour des raisons de timing et de
pratique, mais il était clair que David s'occuperait de la suite. J'ai pris en
charge le sampling sur cet album, comme je le faisais avec N.K.V.D, du coup on
a pas bossé avec Markian. Et pour Nestor, qu'on aime ou qu'on aime pas ce qu'il
fait, il a un style singulier et unique, un peu comme Autokrator, et son style
fait partie intégrante de notre visuel, donc aucune raison de ne pas
retravailler avec lui. Niveau label, un gros changement, plus de collaboration
avec Iron Bonehead, à notre grand regret, leur emploi du temps était rempli
pour 2016. On retravaille avec Godz ov War (qui n'est plus partenaire de Third
Eye Temple au passage) parce qu’ils font du super boulot et qu'on s'entend
super bien avec eux. J'ai monté l'an dernier ma structure Krucyator
Productions, dédiée à mes productions, et on a donc sorti le nouvel album en
collaboration entre Krucyator Productions et Godz ov War Productions.
Je
te propose d'aller un peu plus en profondeur avec quelques question sur le fond
et sur la forme. Le premier album d'Autokrator nous dévoilait aux niveaux des
thèmes les aspects les plus féroces et brutaux des empereurs de l'empire
romain. Aujourd'hui The Obedience To
Autority se présente comme une fresque sur l'obéissance, la soumission à
l'autorité en prenant comme inspiration l'expérience de Stanley Milgram et le
"Brainwashing Manual" de Beria/Hubbard. Est-ce que tu peux nous en
dire en peu plus?
Lors de mes précédents
travaux avec N.K.V.D et le premier Autokrator, j'ai évoqué certains aspects
sombres de l'être humain, au travers de personnages politiques, de tout genre,
de tout bord et de toute époque. Les communistes, les nazis, les islamistes,
les empereurs romains, les collabos, l'ex Yougoslavie, je n'ai épargné personne
:-)
Comme je le dis souvent,
même si je m'y intéresse de près, je n'admire en aucun cas ces personnages.
Sur ce disque, c'est plus
l'aspect psychologique, le pourquoi du comment qui m'intéressais. Essayer
d'apporter une explication.
D'ailleurs, le but premier
de Milgram était d'expliquer comment l'holocauste avait pu survenir, comment a-t-on
pu manipuler des gens pour faire et laisser faire.
Le but de Milgram était de
démontrer, qu'avec un conditionnement, l'être humain, qui n'est au final qu'un
animal social, est capable des pires atrocités, si on le dédouane quel que soit
peu des faits qu'on lui demande d'accomplir. Et cette mise en condition,
réalisée parfois même par un inconnu est assez rapide.
Le Brainwashing Manual
quant à lui rédigé par Hubbard, le père de la scientologie, qui n'a au final
que retranscrit une conférence de Beria, le lieutenant de Staline, évoque
l'obéissance sous un autre aspect : la brutalité.
Pour lui le traitement
inhumain entraine l'obéissance, obéissance qui peut être obtenue
idéologiquement, mais qui accompagnée de la peur, et toujours plus ancrée dans
l'individu.
Je me souviens qu’en 2010 France 2 a transmis
le documentaire « Le jeu de la Mort » où l’on reproduisait l’expérience de
Milgram mais sur un plateau de télévision. Je me souviens que cette émission
m’avait marquée parce que je ne comprenais pas comment l’on puisse infliger de
la souffrance gratuitement sans se révolter aux « donneurs d’ordres ». En même
temps je ne me suis jamais trouvé confronté à une telle réalité donc il est
vrai que avec les mots on est tous très bons, mais peut être que dans le cas
particulier on agirait à l’envers de nos croyances et valeurs. Bref je crois
que c’est une grosse question, et je n’ai pas l’explication. As-tu vu ce
documentaire ?
Non je n'ai pas vu ce documentaire
mais j'en ai vu d'autres plus anciens sur le même thème. Le problème n'est pas
la croyance ni les valeurs mais le conditionnement. Avec un certain
conditionnement, avec souvent comme référence l'institution, il a été prouvé
qu'en gros 3/4 des gens obéissent.
Le Jeu de la Mort - documentaire sur France 2 qui transmis en 2010 |
En
même temps comme tu dis, c’est l'aspect psychologique, le pourquoi du comment
qui t'intéresses. Essayer d'apporter une explication. Est-ce que tu as trouvé
une explication ?
Malheureusement je ne suis
pas sociologue et je n'ai pas la prétention de trouver des solutions a quoi que
ce soit. A travers ce disque, le précèdent et les disques de N.K.V.D, je montre
un peu ce qui ne peut pas être caché.
Moi
je pense (et je m’égare un peu) que par rapport à la question de l’obédience à
l’autorité il y a une question subjacente. C'est-à-dire que la question est : «
Est-ce que l’homme est bon ou mauvais par nature ? » et c’est en répondant à
cette question que l’on rentre dans le domaine de l’autorité. En caricaturant,
si l’homme est mauvais par nature alors il faudra un pouvoir / autorité forte
pour le guider et dans ce cas c’est la réponse apporté par des philosophes
comme Hobbes et Nietzsche ou l’église catholique (surtout au Moyen Age). Si on
répond que l’homme est bon par nature alors il n’y a pas besoin d’une autorité
/ pouvoir mais il peut vivre librement et de façon autonome et c’est la réponse
des philosophes comme Kant, Rousseau, Nietzsche (par rapport au Surhomme) et
politiquement de l’anarchie proposée par Bakounine, Malatesta, Kropotkine.
Encore une fois je n’ai pas la réponse mais je trouve le débat passionnant.
Est-ce que tu as un avis là-dessus ?
C'est un peu se demander
qu'est ce qui définit l'homme, l'inné ou l'acquis? Je suis un peu partagé la
dessus, je pense qu'il y a une part égale des deux. Il y a des personnes
mauvaises qui ne feront pas de mal de leur vie car leur environnement ne les y
poussera pas et vice versa.
Deux personnes ayant eu la même histoire dans le même contexte
vivraient elles la même vie? Est-ce le vécu qui rend un homme bon ou mauvais ou
un homme est-il bon ou mauvais dès la naissance? C'est difficile d'y répondre.
Concernant le pouvoir,
l'homme ne peut pas vivre correctement sans autorité, ni avec trop d'autorité,
c'est un peu le rôle de la politique, trouver un juste milieu et ajuster selon
les besoins et les époques.
Revenons
à l’album “The Obedience To Autority”. On
constate que par rapport à ton premier album homonyme il y a une construction
plus méthodique. C'est-à-dire que l’album est divisé en VIII Chapitres qui se
structurent ainsi :
1
titre brutal / 2 titre heavy / 3 interlude instrumental
4
titre brutal / 5 titre heavy / 6 interlude instrumental
7
titre final heavy / 8 drone - industrial – outro
Pourquoi
cette architecture et pourquoi ne pas nommer les titres mais laisser juste «
chapter » comme s’il s’agissait de chapitres d’un livre ?
La musique d'Autokrator
est quelque chose de "jusqu’au-boutiste", une musique qui laisse
assez peu d'espace à la variété et à la variation. On a essayé sur ce disque
justement de s'améliorer à ces niveaux. La structure est aussi comme une séance
de torture à l'eau, on plonge la victime violemment dans l'eau, on la laisse
respirer et espérer avant de la replonger dans l'eau. Jusqu'à finir par
l'achever.
Concernant le nom des
chansons, il y a un seul thème principal décliné sur 8 titres. Et comme l'album
est inspiré d'écrits, nous avons décidé de l'articuler par chapitres.
Lors
de notre précédente interview tu me parlais que tu envisageais l'hypothèse
d'une activité "live" pour Autokrator. Tu en es où avec ce projet?
Est-ce que c'est toujours d'actualité?
Je pense pas jouer live honnêtement,
j'ai déjà du mal à trouver un batteur studio, je vois pas comment je pourrai en
trouver un a proximité...
Sur
le layout du premier album on peut lire "Oderint dum metuant" qui
était une phrase de l’empereur Caligula. De même on peut lire cette phrase sur
le cd de The Obedience To Authority
et cette même phrase était le titre (provisoire) de l'album The Obedience To Authority. Du coup
cette phrase semble très importante pour toi, tu peux nous en dire plus? De
même, est-ce que l'on pourrait considérer "Oderint dum metuant" comme
la devise d'Autokrator?
J'aime bien cette phrase, «Qu'ils
me haïssent, pourvu qu'ils me craignent ». C'était le titre de travail de
l'album, et j'avais envie de l'intégrer au layout.
En
plus d'être un artiste tu t'es lancé récemment avec la création de ton label
Krucyator Productions. The Obedience To Authority
est la première publication en co-release avec Godz ov War Productions. En plus
le "shop" de Krucyator Productions est très fourni et accès sur le
black, death, industrial/martial/noise. Alors voici quelques questions
subsidiaires : est-ce que Krucyator sera "juste" un label pour
Autokrator ou tu envisages à terme de produire d'autres artistes? Et ce serait
comme label ou en co-release? Quels sont tes ressentis face à cette nouvelle
expérience (c'est à dire, pas seulement comme artiste, mais comme "artiste
manager")?
Krucyator a pour but
premier de sortir mes productions. Je produirai peut-être d'autres artistes à
l'avenir, mais je n'ai pas créé Krucyator dans cet esprit-là. Krucyator me
permet de sortir mes productions, en co-release pour le moment, d'être indépendant
et surtout de pouvoir m'autofinancer. L'artwork, les sessions studios, les
musiciens, tout a un coût, et quand tu joues dans des projets de "seconde
zone" comme Autokrator ou NKVD, tu es souvent dans le back catalogue des
labels, donc aucun financement si ce n'est la part de copies
"royalties". Sinon l'expérience se passe très bien, tant au niveau de
la production que de la distribution, les choses se développent petit à petit.
Ton
premier album nous avait beaucoup plu et ce deuxième montre une certaine
progression. En regardant un peu sur le net on trouve plusieurs critiques
positives à The Obedience To Authority.
Penses-tu que cet album a été un peu plus "compris" que le premier?
(Qui est excellent mais déroutant!).
Pour le moment, c’est
mitigé, je dirai même que si on laissait les choses en l'état le premier album
a été préféré. C'est le phénomène classique qui se produit lorsque tu sors un
nouveau disque. Les auditeurs se sont habitués à une formule, et sont déroutés
lorsque certaines choses changent. Et d'autre trouvent qu'au contraire l'évolution
n'a pas été aussi marquée qu'elle aurait dû être. Moi tant que le disque me
plait, le reste...
Je
sais bien que tu es en pleine promotion mais est-ce que tu as des projets pour
le futur d'Autokrator?
J'ai commencé à bosser sur
de nouveaux titres, j'ai trouvé un nouveau batteur studio, donc les choses vont
avancer petit à petit. Y'aura peut-être un nouveau NKVD avant.
Merci
beaucoup de ta disponibilité et gentillesse. Je te laisse le mot de la fin ....
Merci pour ton intérêt, et
pour ton sérieux et ton approfondissement, tant au niveau chronique
qu'interview, c'est assez rare pour le souligner.
Je te donne les liens des
distros chez lesquelles on peut trouver "The Obedience to Authority"
:
KRUCYATOR PRODUCTIONS -
France
SOUNDCAVE - Italy
SALVATION DISTRO - USA
TERRATUR POSSESSIONS -
Norway
ATAVISM RECORDS- France
SWAN EMPRESS - Greece
GODZ OV WAR - Poland
Sur le cd on peut lire la devise de l'empereur Caligula : « Oderint, dum metuant » (« Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent ! ») |
Autokrator - The Obedience to Authority (2016) - Cover by Nestor Avalos / Layout by L.F. / Tryfar |
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