Path of Desolation -
Where the Grass Withers (2016) Self-released
Les suisses de
Path of Desolation après leur Ep de 2014 nommé
Soaked
Jester reviennent aujourd’hui avec leur premier album
Where the Grass Withers. Une
fois n’est pas coutume, avant de démarrer la chronique, je voudrais écrire
quelques mots sur l’objet lui-même.
Le
cd est magnifique. Souvenez-vous qu’il s’agit d’une auto-production. Le
résultat est énorme : cd en digipack à six volets avec un papier de très
bonne qualité et agréable au toucher. Un artwork et layout somptueux réalisés
par Travis Smith (Opeth, Katatonia, Devin Townsend et d’autres). Le cd
reproduit le visuel d’un vinyle côté face et côté retro, celui qui est lu par
le laser du lecteur, c’est tout noir aussi comme un vinyle.
Le papier aussi du booklet est très bon,
lucide, et réunit les textes et les liners notes. Bref le groupe a fait un réel
effort en proposant un objet très beau et abouti. Il faut souligner aussi que l’artwork du format physique est un peu plus sombre que celui que
l’on peut voir en ligne ; et c’est pas mal du tout.
En regardant la pochette on voit un lac / fleuve, une île à la nature
luxuriante, des monts en arrière-plan et le ciel. Les monts et le ciel ont à
peu près la même couleur que le lac / fleuve. Dans l’eau il y a des vagues
circulaires qui laissent imaginer la présence d’un poisson. L’île, si l’on
regarde de plus près, est en réalité un homme allongé, un peu à la façon des
tableaux du peintre Arcimboldo. Une croix s’élève sur la gauche de l’île. Path
of Desolation nous servirait-il le coup d’un album bucolique? Que non. Le titre
Where the Grass Withers signifie “Où l’herbe sèche” et je crois qu’il est tiré
du livre du prophète Esaïe 40 :7 « L'herbe est séchée, et la fleur
est tombée, parce que le vent de l'Eternel a soufflé dessus; ». Tiré où
pas de la Bible, le contraste entre le titre (Où l’herbe sèche) et la nature
qui grouille de vie, est saisissant.
Une possible réponse se trouve dans la musique de Path of Desolation
qui se rattache à l’école du « melodic death metal » de Göteborg qui
allie la mélodie à la puissance extrême du death metal. Le melodic death
metal naît à Göteborg au tout début des années ’90 avec les trois groupes
Dark Tranquillity, At The Gates, In Flames. Ces trois groupes sont toujours
très bons mais ils ont un peu perdu la flamme qui les animait au début. Ils ont
tout simplement évolué. Dark Tranquillity évolue depuis ses trois derniers
albums We Are The Void, Construct et Atoma. At The Gates après une très longue
parenthèse est revenu en 2014 avec At War with Reality qui est un bon album
mais qui n’a pas la magie de The Red in the Sky Is Ours. In Flames a tout
simplement changé de cap (et il a tous les droit de le faire) en virant vers un
groove metal / alternative rock.
Path of Desolation fait du « melodic death metal » moderne
et inspiré. Inspiré aux trois groupes cité et à cet âge d’or. Moderne parce que
Path of Desolation n’est pas un groupe nostalgique mais bien ancré dans le
présent. En deux ans le groupe a fait des progrès considérables. Si l’Ep Soaked
Jester était une jolie carte de visite qui laissait présager le potentiel du
groupe, avec Where the Grass Withers le groupe montre un état de grâce. La
production est très bonne et met vraiment en valeur tous les instruments et on
a une vraie dynamique, une vrai profondeur. J’ai écouté l’autre jour une super
production d’un groupe thrash qui dépote mais qui a malheureuses une production
‘plastique’ qui aplatit toute violence et force. Certes c’est impeccable mais
qu’est-ce que c’est banal et plat. Je pense à un label en particulier, mais
bon, j’arrête là.
On démarre sur les chapeaux de roue avec les deux premiers titres The
Crown and the Empty Hall et The Uninvited qui prouvent tout ce que l’on vient
de dire jusqu’ici. Ensuite on trouve Isenau qui est un titre très intéressant
pour deux raisons : d’abord pour sa technicité : le riffing est très
varié et technique ainsi que le travail de batterie qui est vraiment
intéressant et novateur. Deuxièmement le thème est un clin d’œil à la Suisse et
aussi au side-projet du chanteur David. En effet Iseanau est un alpage qui fait
partie du massif montagneux suisse nommé Les Diablerets. Path Of Desolation est
un groupe suisse et le chanteur David évolue dans un side-projet (un duo) de
black metal / drone / ambient nommé Diablerets. Et si on rajoute à ceci que les
« backing vocals » de Where the Grass Withers sont assurées par Grant Hailey qui est l’autre membre de Diablerets, la
boucle est bouclée. Le titre Isenau est une ode à la montagne et aux forces
primitives qui l’habitent.
To Pastures Grey s’interroge sur la fin d’une vie et on trouve dans
les paroles de la chanson, le titre de l’album.
Lead me to pastures
grey
Where the grass
withers
Let me rest for a
while
Take me to pastures
grey
I’ll sleep, I’ll
dream I’m in a better place
Il s’agit d’un titre rapide et nouveau puisque il se termine par une courte
« coda » au piano. Je ne vais pas me lancer dans un track by track
qui serait long. Je veux bien néanmoins parler encore de deux / trois titres. The
Hunting Prey s’ouvre avec un riff descendant et ascendant qui comme les vagues
d’une mer déchaînée arrache tout sur son
passage. C’est mélodique, direct, épique, mélancolique. Et après le deuxième
refrain on a un break au piano qui est simplement excellent. Le piano se fond
ensuite aux autres instruments et reste quand même en premier plan. Il rajoute
une sorte de romantisme décadent qui rehausse le morceau et qui le rend
mémorable. 85 Miles s'inspire des terres de l’Angleterre du nord. L’album se
termine par un triptyque qui tourne autour du thème de la dépression, il s’agit
des titres Saeclum in Favilla, Colourblind, Exit Nightmares. Il ne s’agit pas d’une histoire en trois parties avec un « happy
end » mais de trois portraits séparées qui ont le même thème. Je voudrais
juste souligner le titre Saeclum in
Favilla qui tire son titre en latin de l’incipit de l’hymne liturgique Dies
Irae « Dies iræ, dies illa, Solvet sæclum in favílla (Jour de colère, ce
jour-là Il réduira le monde en cendres) ». Les textes de Saeclum in
Favilla sont magnifiques et le titre est direct et sombre à souhait et enrichi
par un break final.
Le chant est assuré par David (qui a écrit aussi les textes) et il délivre une prestation magistrale. On remarquera la présence aussi d’Anna
Murphy au chant sur le titre The Uninvited. Philippe est une nouvelle recrue
est assure la guitare et la basse. Steven est aussi à la guitare ainsi que Loïc
à la batterie. Nipo aux synth et piano se taille quant à lui une place un peu
plus marquée et affichée sur ce Where the Grass Withers que sur le précédent Ep
Soaked Jester.
Pour terminer on peut dire que Path of Desolation avec Where the Grass
Withers fait un carton plein. Il est surprenant de voir comment depuis le
premier Ep le groupe a grandi, mûri et progressé. Tout est de très haute
facture : l’objet lui-même, la production, les textes, l’exécution et
l’interprétation. De plus, même en évoluant dans un style, le "melodic death
metal" qui a des caractéristiques propres, Path of Desolation s’aventure par des
petites touches vers des milieux plus expérimentales comme des structures
articulées et des inserts de piano. Et le tout avec aisance.
Path Of Desolation est un groupe où les contrastes s'affichent et ne sont pas résolus. A l'auditeur de les interpréter. Ces contrastes sont affichés par les textes (que l'on peut interpréter différemment selon sa sensibilité), par la musique (extrême certes mais avec une approche mélodique et articulée et par moments mélancolique), par le visuel : l'herbe est sèche mais la nature est luxuriante (et de plus est-ce que il y bien un homme allongé où c'est notre regard qui interprète les formes de la nature par une présence humaine? Et encore, s'il y a bien un homme allongé, est-ce qu'il dort ou est-ce qu'il est mort?).
Bref, vous l'aurez compris. Écoutez cet album et achetez-le, vous n'en serez pas déçus.
Score 10/10
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