Autokrator - The Obedience to Authority (2016)
Godz of War Productions / Krucyator Productions
Autokrator
après son premier album homonyme sorti en 2015 revient aujourd’hui avec son
deuxième effort nommé The Obedience to Authority. Si déjà le premier album
était bon, voire très bon, The Obedience to Authority est carrément un super
album. Si vous êtes de la génération twitter et vous voulez un rapide aperçu
voici alors : cet album est une pure tuerie de metal extrême –
parfaitement maitrisé de bout à bout - qui tourne autour du concept de
l’autorité et de la façon de l’inculquer par la force et plus si affinité.
Si
comme moi, vous êtes un vieux de la vielle, voici une revue plus articulée.
Bouclez vos ceintures puisque le voyage est long !
L’expérience
de Milgram a été réalisée entre 1960 et 1963 par le psychologue américain
Stanley Milgram. Il a essayé par le biais de cette expérience d’évaluer le
dégrée d’obéissance d’un individu face à une autorité jugée légitime et cette
autorité pousse l’individu à commettre des actions qui vont contre sa morale,
sa conscience. Dans ce cas particulier
un individu – devant le regard d’un « professeur » devait infliger
des décharges électriques à un autre sujet dans une pièce voisine en cas de
mauvaises réponses. Plus les mauvaises réponses s’enchaînaient et plus le
voltage des décharges augmente. L’individu donc devient un bourreau – mais
il peut arrêter l’expérience à tout moment – sous l’œil « neutre » du
détenteur du pouvoir et face aux cris de plus en plus hystériques de la
victime. En réalité il n’y a pas de décharge mais l’individu
« bourreau » ne le sait pas. Ce qu’il faut retenir c’est que 65%
des individus qui ont participé à l’expérience sont allé jusqu’au bout et ont
donné la décharge maximale de 450 volt. Pour plus de détail, vous pouvez lire
ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram
Après
plusieurs écoutes de l’album, il y a aussi trois textes qui me sont venu à
l’esprit et qui ont une forte résonance avec le thème développé par The
Obedience to Authority et je pense au traité politique Le Prince écrit au
début du XVIe siècle par Nicolas Machiavel. Cet œuvre montre comment devenir
Prince et le rester en utilisant des moyens pas ou peu orthodoxes. Le deuxième
texte est le Discours de la servitude volontaire ou le Contr'un écrit en 1547 –
1549 par Étienne de la Boétie et publié de façon clandestine en 1576. Dans ce texte qui est un
réquisitoire contre l’absolutisme, l’auteur pose la question de l’autorité, de
sa légitimité et analyse les raisons qui poussent le peuple à obéir, à se
soumettre à cette autorité par le biais d’un rapport de « domination –
servitude ». Le troisième texte est la Psychologie des foules paru en 1895
et écrit par Gustave Le Bon. Cette œuvre de psychologie sociale analyse le
comportement des foules qui apparait comme irrationnel et il y a un chapitre
(le troisième) qui décrit « les meneurs des foules et les moyens de
persuasion ».
Passons
à la forme. Si le premier album avait était réalisé par Loïc F et on comptait
cinq membres dans sa formation, pour The Obedience to Authority on a un changement.
Loïc F est toujours le « mastermind » du groupe et il se retrouve
avec le chanteur David Bailey (seule rescapé de la première formation) et un
batteur de session qui préfère rester anonyme. Néstor Ávalos a réalisé le
« cover art » de deux albums et on voit du côté visuel une certaine
continuité.
Nous
avons des changements qui ne révolutionnent pas tout, puisque comme dit
Autokrator est une créature, si ce n’est, La créature de Loïc F qui écrit les
titres (musique et textes) et s’est occupé de l’enregistrement, du mixage et du
mastering. Plus encore, avec Godz ov War Productions qui avait sorti aussi le
premier album, cette fois l’album est sorti comme co-release avec Krucyator
Productions qui a été fondé par Loïc F lui-même.
Musicalement
il y a un grand effort dans le fond et la forme de chaque titre. L’album est
divisé en VIII Chapitres qui se structurent ainsi :
1
titre brutal / 2 titre heavy / 3 interlude instrumental
4
titre brutal / 5 titre heavy / 6 interlude instrumental
7 titre final heavy / 8 drone - industrial - outro
Le
premier titre, Chapter I, a pour thème l’obéissance. Le riff est serré, la batterie très
élevé et le chant bien gras et profond. Le deuxième titre est axé sur la
torture et en particulier sur la « noyade simulée » appelée aussi "waterboarding". Cette torture a défrayé la chronique plusieurs fois. Chapter
III et Chapter VI sont des titres instrumentaux certes mais il vaudrait mieux
dire des titres de bruitage. Ils sont sombres à souhait et dégagent une ambiance
malsaine qui sied très bien à tout l’album. Ces deux titres instrumentaux
présentent deux grands avantages : d’abord ils coupent le rythme de l’album
en faisant une sorte de parenthèse entre les rythmes effrénés des chansons. Ils
coupent la « vitesse » de l’album mais pas l’ambiance. Du coup l’album
se présente comme plus articulé. Ensuite ces titres « instrumentaux »
« atmosphériques » fonctionnent un peu comme la technique du ‘hors-champ’
dans le cinéma. Dans le cinéma le hors-champ est la technique qui consiste à ne
pas montrer quelque-chose pour faire en sorte que le spectateur imagine cette
chose lui-même. Par exemple dans le cinéma d’épouvante le hors-champ ne montre
pas le « monstre » ou la « créature » et c’est donc l’imagination
du spectateur qui travaille. De même Autokrator dans ces titres de « bruitage »
ne montre rien mais fait fonctionner l’imaginaire de l’auditeur qui peut librement s’imaginer
les pires tortures à l’œuvre. Chapter VI présente un sample tiré du film I,comme Icare d’Henri Verneul sorti en 1979. Le sample choisi est tiré d’une scène où on
explique le but de l’expérience de Milgram.
Chapter
IV présente le thème de la force et l’idée que la meilleur des obéissances
inculquées par le pouvoir soit l’obéissance aveugle c'est-à-dire inconditionnée,
celle qui suspend le jugement de l’individu et lui fait faire les choses les
pires sans se questionner ou mettre en cause le pouvoir.
Chapter
V relate l’utilisation de la violence pour se faire obéir et Chapter VII est
peut-être le titre le plus intense et lourd de l’album. C’est le noir le plus
total coupé par moment par des ralentissements, des sortes de "breakdowns", qui
font penser à l’avancée inexorable du pouvoir. C’est dans ces ralentissements
qui émerge une sorte de « synth » tout discret qui enfonce le clou
dans la noirceur. En même temps si on peut s’imaginer, comme dit, une avancé
inexorable on peut se figurer cette avancé comme « militaire »
puisque ces rythmes très réguliers semblent reproduire le bruit de l’avancé d’une
armée et en même temps ce « clavier discret » semble mettre en
évidence aussi le caractère « sacré » du pouvoir. Cet aspect de
caractère sacré de l’autorité on le trouve aussi sur la pochette où on voit un
homme habillé en noir, menaçant, avec ses mains posées sur une épée et on pense
qu’il se trouve dans une église puisqu‘on voit quatre vitraux derrière lui.
L’iconographie
de l'artwork est très parlante : l’homme en noir (vraisemblablement en cuir) fait
penser aux agents de la Gestapo, la pose est celle d’un chevalier (donc c’est
quelqu’un qui défend une idée d’ordre), le pouvoir dont il est question peut
être aussi religieux à cause du lieux où l'on se trouve. Tout ceci est juste une interprétation
et je crois qu’il peut bien y en avoir d’autres et encore plus poussées.
L’album
se termine avec Chapter VIII qui est à la fois une chanson et un outre réalisé en collaboration avec Auditor. On retrouve
un bruitage de fond et le texte relate l’utilisation de la torture pour faire
parler la victime. En quelque sorte la boucle est bouclée puisque le premier
titre de l’album s’ouvre avec un sample où on entend des bruits de torture.
Autokrator
avec son deuxième album The
Obedience to Authority signe un sans-faute. D’abord le thème exploré est très
intéressant et fait échos au premier album qui était axé sur le pouvoir et ses
abus pendant la période de l’empire romain. Deuxièmement le choix d’alterner à
des titres extrêmes des titres plus « atmosphériques » permet d’un
côté de « varier les plaisir » et en même temps d’enfoncer encore
plus le clou en laissant travailler l’imaginaire de l’auditeur. Et encore il
faut souligner l’identité visuelle très sombre et inspirée qui relie le premier
album et celui-ci. Plusieurs groupes changent d’identité visuelle d’un album à
l’autre, dans le cas d’Autokrator on est rassuré grâce à l’œuvre de Nestor Avalos. Il faut ensuite saluer le
travail musical : la batterie (et sa vitesse folle), le chant (très grave),
les guitares, la basse et les samples (tous vont dans un registre très grave)
et l’ensemble crée une ambiance lourde et malsaine à souhait. Pour le premier
album nous avions dit que « Musicalement Autokrator vous prend à la
gorge et serre, serre, serre sans pitié. Nous nous trouvons face à une
sensation de suffocation ». Bien cet avis est toujours d’actualité mais à
la vue du progrès que The Obedience to Authority propose on peut le décliner ainsi :
« Musicalement Autokrator vous prend à la gorge et serre, serre,
serre sans pitié et avec aisance ! ».
Si je
peux me permettre juste un conseil. Deux même. D’abord une fois écouté l’album
sur le bandcamp, il faudrait l’acheter. Le cd est sublime et se présente sous
forme de digipack en 6 volets avec un layout vraiment sombre et réussi. Vous
trouverez les paroles et aussi un package « noir mat » très soigné.
Deux, il faut écouter cet album avec une bonne chaîne hi-fi ou avec un casque
pour vraiment l’apprécier. L’écouter avec les enceintes d’un ordinateur même de
bonne qualité ne lui rend pas justice, surtout pour le travail effectué sur le
son et les basses. Oui, puisque (comme sur le premier album) Autokrator affiche
un côté drone très développé qui consiste à un bourdonnement de fond qui permet
plusieurs choses. Ce côté drone permet aux titres de s’exprimer « avec un
son qui exalte les graves », il permet de donner une couleur à chaque
titre ainsi qu’une ambiance particulière.
Voilà
donc qu’Autokrator avec The Obedience to Authority se présente comme l’un des
meilleurs albums extrême de 2016.
Score
9,5/10
Bandcamp | |||
Krucyator website | |||
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Sur le cd on peut lire la devise de l'empereur Caligula : « Oderint, dum metuant » (« Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent ! ») |
Autokrator - The Obedience to Authority (2016) - Cover by Nestor Avalos / Layout by L.F. / Tryfar |
Autokrator - The Obedience to Authority (2016) - A côté du cd on peut voir deux flyer |
Autokrator - The Obedience to Authority (2016) - Cover by Nestor Avalos / Layout by L.F. / Tryfar (back) |
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