Le nouvel album du groupe Path Of Desolation se nomme Where The Grass Withers et vient de sortir sous forme d'autoproduction. Vous pouvez retrouver la chronique de l'album ici
http://metallifer.blogspot.fr/2016/11/review-path-of-desolation-where-grass.html et voici de suite l'interview au groupe. Bonne lecture !
Bonjour à tous et merci du temps que vous nous accordés pour cette interview. Le nouvel album et premier ‘full-lenght’ de Path Of Desolation se nomme Where the Grass Withers et vient de sortir comme autoproduction. Je vous propose de faire un tour d’horizon sur le groupe et sur Where the Grass Withers.
David: On a eu pas mal d’occasions de jouer en Suisse et en France après la sortie du EP Soaked Jester en 2014. Parallèlement à ça, on a continué gentiment à travailler sur de nouvelles compos. On a par contre pas mal galéré pour trouver une 2e guitariste fixe. En mai 2014, Pilou nous a rejoints; ça a véritablement été le point de départ de Where the Grass Withers. Il a collaboré étroitement avec notre guitariste Steven pour élaborer de nouvelles compos et réarranger celles qui existaient déjà et leur donner un gros boost. Il était le “petit nouveau” mais est devenu une vraie locomotive. Je vais sans doute paraître prétentieux mais je trouve cet album très mature pour un premier album et s’il l’est effectivement, c’est parce que Pilou a passé de nombreuses nuits blanches à en peaufiner les détails.
Steven: Cet album est issu d’une grosse année de travail assez stressante, malgré tout, nous sommes très contents du résultat, compte tenu des divers évènements, coups de gueule et imprévus que nous avons rencontrés durant toute cette période. Après 3 années d'existence, un premier EP et une multitude de concerts nous sommes fiers d’avoir réalisé ce rêve.
A propos du groupe vous êtes rentré en studio en février dernier avec le nouveau guitariste Philippe. Pouvez-vous présenter l’ensemble des membres de Path Of Desolation ?
David: Avec l’arrivée de Pilou, le noyau dur du groupe est resté le même jusqu’à notre entrée en studio, concentré autour de notre batteur à casquette Loïc, de Steven, du claviériste à pieds nus Nipo, du bassiste Grant et de moi-même. On a eu quelques surprises déplaisantes en studio qui ont poussées Pilou à devoir improviser et enregistrer les lignes de basse. Cette situation nous a conduits à nous séparer de Grant. Nous avons désormais un nouveau bassiste appelé David ou Daves ou Junior
Steven: Nous avons formé le groupe durant l’été 2013 avec Loïc (batteur) et Grant (ex-bassiste), puis David (chant) et Nipo (clavier) nous ont rejoint assez rapidement. Nous donnions notre premier concert 5 mois après et cela reste l’un de nos meilleurs concerts.
Pilou : Le melodic death metal était pour moi inconnu avant mon arrivée et j’ai très vite su apprécier et apprivoiser ce style. L’intégration dans le groupe a été plutôt facile et tout s’est passé de manière très naturelle.
Vous avez enregistré encore une fois aux SoundFarm Studios à Kriens (Suisse) sous la houlette d’Anna Murphy (Eluveitie) qui a d’ailleurs (comme sur l’Ep précédent) chanté sur un titre. Est-ce que l’on peut dire que les SoundFarm Studios sont l’équivalent suisse de The Abyss Studios suédois de Peter Tägtgren ?
Dave: Hahaha, on en est loin. Il s’agit plutôt d’un studio rock/blues, en fait. L’intérêt pour nous est surtout qu’Anna Murphy y bosse. On a discuté de plusieurs options, y compris d’aller enregistrer à l’étranger. Mais finalement, on a décidé de continuer avec Anna. On espérait secrètement qu’elle allait pouvoir nous aider à ouvrir pour Eluveitie sur quelques dates… C’était avant qu’elle se barre du groupe (rires). Cette mésaventure a d’ailleurs un gros impact sur notre album puisque le mix a été fortement retardé à cause de son départ d’Eluveitie. C’était un enregistrement un peu… compliqué. Mais au final, je trouve qu’Anna a réussi à donner un son très organique à ce disque, très différent de ce qui sort en ce moment où toutes les productions ont tendance à se ressembler.
Etant donné la richesse (complexité, technicité, lignes mélodiques etc.) des titres, comment se sont passés la phase d’écriture et d’enregistrement ?
Nipo : Concernant le piano et les synths, Pilou avait programmé la quasi totalité de la plupart des titres en MIDI. Nous nous sommes ensuite vu dans notre local pour parfaire le travail. J’ai pu arranger un peu les pistes à ma manière, notamment le piano qui n’a laissé presque aucun vestige du travail de Pilou. Pour l’enregistrement, nous avons gardé les pistes MIDI des demos pour les choeurs et le piano a été enregistré sur un véritable piano.
Pilou : On a vraiment travaillé à distance dans un premier temps, afin de procéder de manière plus professionnelle et réfléchie. Une fois que le squelette de toutes les compos était fait, chaque membre a ajouté sa pierre à l’édifice en y mettant sa touche personnelle (batterie, pianos, etc). Comme dit précédemment, la basse a été intégrée aux morceaux seulement quelques heures avant l’enregistrement :) .
Steven : Ce fût 6 mois très compliqués pour le groupe, nous jouions environ 10 titres en concert, en dehors des trois chansons de l’EP nous n’avions que des démos. L’arrivée de Philippe a été déterminante pour le groupe, grâce à ce qu’il nous a apporté, nous avons pu donner vie à ses démos et nous avons également composer certains titres avant d’entrer au studio.
La pochette de Where the Grass Withers intrigue énormément. Elle a été réalisée par Travis Smith (Opeth, Katatonia, Devin Townsend). Quel est le concept derrière la pochette et le titre de l’album ? (J’en ai donné mon interprétation dans la chronique de l’album mais j’aimerais en savoir plus).
David: C’était très enrichissant de travailler avec Travis Smith. Il respecte beaucoup les textes, le concept, cherche des idées pour leur donner corps. Un exemple tout bête: des rides sont visibles à la surface de l’eau. Elles font référence au dernier titre de l’album, Exit Nightmares, qui décrit un suicide par noyade. En approchant Travis, je lui ai donné les textes de To Pastures Grey qui ont inspiré le titre de l’album. Je lui ai expliqué l’idée derrière cette chanson qui parle d’insomnie et du fait que je préfèrerais être n’importe où - même dans ces paysages de fin du monde - que dans mon lit, à 4h du matin, à remuer la lie qui remplit mon cerveau. Travis a répondu du tac-au-tac que ça lui évoquait ce personnage endormi, emballé dans cette nature formant une couverture. Il a donné un côté très pictural à cette pochette, assez différente de son travail habituel. Je trouve que ça colle énormément à l’ambiance des textes, qui s’inspirent de différents tableaux. Comme par exemple Belshazzar’s Feast de John Martin qui est évoqué dans le titre Colourblind. Comme tu l’as relevé dans ta chronique, le titre de l’album - mais aussi celui de la chanson To Pastures Grey - contient une référence biblique, à la fois au livre d’Isaïe et au Psaume 32. Ces pâturages gris où l’herbe se fane sont à l’opposé des pâturages verts promis par ces textes. C’est une incarnation du cauchemar...
David tu as écrit tous les textes et je voudrais savoir deux choses. D’abord, est-ce que tu écris les textes avant que la musique du morceau existe ou la musique existe déjà et tu te “cales” dessus?
David: Pour cet album, j’ai eu tendance à me laisser inspirer par la musique. Je n’écris pas nécessairement avec un placement en tête mais je m’imprègne plutôt de l’ambiance. Les premières notes de “Colourblind” (daltonien) m’ont immédiatement fait penser à ce mot, sans que je sache vraiment pourquoi. Le refrain avec cette partie de chant claire est venue en quelques secondes. D’autres fois, j’ai besoin de nombreuses écoutes pour trouver quelque chose qui colle. J’ai écrit trois textes différents pour la chansons “85 Miles” avant d’être satisfait du résultat… Un jour avant d’enregistrer ce titre, haha.
Deuxièmement on entrevoit quelques unes de tes sources d’inspirations comme le sentiment d’absolu devant la nature (la montagne du titre Isenau ou l’Angleterre dans le titre 85 miles), la Bible ou encore des sources plus autobiographiques / introspectives. Est-ce que tu peux nous en dire plus?
David: L’imagerie biblique est présente dans mes textes depuis que j’ai commencé à faire de la musique, il y a 25 ans. J’ai une éducation catholique et je suis fasciné par l’art sacré et notamment ce que les romantiques en ont fait. Il y a cette ambiguïté entre le bien et le mal: prends “Les Litanies de Satan” de Baudelaire ou “The Marriage of Heaven and Hell” de Blake, “Cain” de Byron… Et avant ça, le “Paradis Perdu” de Milton. Je parle beaucoup de culpabilité et de rédemption dans mes textes, ce sont des questions qui m’obsèdent littéralement au quotidien. Et elles sont au centre de la plupart des oeuvres inspirées par la Bible. “Where the Grass Withers” est un album très personnel et ultra introspectif qui raconte la phase que j’ai traversée ces dernières années. Il y est beaucoup question d’insomnie, de doute mais aussi de remise en question. Si tu cherches bien, tu y trouveras une foule de références littéraires ou picturales mais j’essaie toujours de les intégrer dans un tableau plus large. Si tu prends le titre “Saeclum in Favilla” (les siècles en cendres), il s’inspire du poème médiéval “Dies Irae” qui décrit le jugement dernier. Mais, en parallèle, je fais référence à “Fin de Partie” de Beckett. Le personnage principal est aveugle et connaît le monde par les yeux de son fils qui lui ment en continu: est-ce qu’il dit la vérité quand il prétend qu’ils sont les derniers hommes sur terre? De la même manière, est-ce que le monde est en aussi mauvais point que celui que je veux bien voir? C’est un peu la même idée derrière “Colourblind”. A Newcastle, un tableau de John Martin est exposé. Un jeu de lumière assez complexe a été créé pour le mettre en valeur. En fonction de cet éclairage, tu le verras comme une toile lumineuse, dramatique, joyeuse, apocalyptique. La couleur est une question de perspective. Peut-être que je ne pose pas le bon regard sur ma vie… . D’autres textes comme “Isenau” ou “85 Miles” sont plus méditatifs. La combe d’Isenau, dans les Alpes suisses, et le nord de l’Angleterre sont des régions où j’aime m’évader. Ce sont des endroits hors du temps, relaxant, d’une beauté infinie. J’aime le fait de m’y rendre et d’être totalement submergé par ces paysages.
j’ai aussi une question plus “simple” : comment est né le nom du groupe? Pourquoi un “Chemin de désolation”?
Nipo : L’origine du nom du groupe a une histoire assez incroyable. En fait, on allait jouer notre premier concert en décembre 2013 et nous n’avions pas encore de nom. Celui-ci est venu et il nous a plu. Sauf erreur, il n’y a rien de plus romanesque que cela…
Steven : Nous avons eu différents noms et aucun ne nous plaisait réellement (pas à tous en tout cas), deux semaines avant notre premier concert nous devions choisir un nom pour l’affiche, après quelques heures de recherche et de débat nous nous nommions Path of Desolation.
David: On a effectivement choisi ce nom dans l’urgence, mais je pense qu’il nous a inspirés, consciemment ou non. Il y a cette notion de désolation, qui correspond bien au côté déprimé de nos textes et de notre musique. Mais aussi cette notion de mouvement et de réversibilité. Si tu suis un chemin, il y a nécessairement deux directions possibles: tu peux poursuivre ou revenir sur tes pas. Et c’est le choix de chacun de déterminer cette direction. ça colle bien à l’idée de Colourblind mais aussi plus largement au concept de rédemption que j’évoquais plus tôt.
David: On a effectivement choisi ce nom dans l’urgence, mais je pense qu’il nous a inspirés, consciemment ou non. Il y a cette notion de désolation, qui correspond bien au côté déprimé de nos textes et de notre musique. Mais aussi cette notion de mouvement et de réversibilité. Si tu suis un chemin, il y a nécessairement deux directions possibles: tu peux poursuivre ou revenir sur tes pas. Et c’est le choix de chacun de déterminer cette direction. ça colle bien à l’idée de Colourblind mais aussi plus largement au concept de rédemption que j’évoquais plus tôt.
L’album Where the Grass Withers est sorti comme autoproduction en digital et en format physique en digipack en 6 volets. Je saluais sur la chronique le gros travail qui a été fait sur le fond et la forme. C’est un très bel “objet” (layout, artwork, qualité du papier, cd fait en “replica vinyl”) qui demande beaucoup d’investissement. Quelle est l’importance d’avoir un cd physique aujourd'hui?
Nipo : C’est un peu à double tranchant. Cela n’a pas une grande importance en ce qu’il y a aujourd’hui une grande accessibilité à la musique via internet et que la musique reste l’élément principal. Beaucoup de magazines se contentent des fichiers mp3 pour les chroniques, pareil pour les salles de concert. La plupart des gens n’ont que faire d’un format physique. A ce niveau, ce “traditionalisme” est presque un peu superflu. Cela dit, c’est peut-être aussi ce qui nous amène une certaine visibilité, ça donne une impression d’application (d’ailleurs, nous nous sommes beaucoup appliqué !) En ce qui me concerne, j’ai un côté old school et j’achète encore mes CDs. J’aime me balader dans les livrets, lire les paroles, contempler les images (surtout si elles sont de Travis Smith ! ), on a vraiment l’impression d’un produit fini, que les textes, les illustrations et la musique forment un tout. Je crois simplement que nous avons donné à notre album la forme que nous aimions voir chez les autres.
Pilou : J’ajouterais que quitte à avoir une version physique de l’album, autant qu’elle soit intéressante !
Pilou : J’ajouterais que quitte à avoir une version physique de l’album, autant qu’elle soit intéressante !
Est-ce que vous aviez cherché un label ou vous vouliez sortir l’album tous seuls dès le début? Je demande ceci parce que dans mon entourage “metal” il y a quatre positions : le groupe qui fait deux ou trois albums autoproduits avant de chercher un label et ceci pour montrer au label que c’est un groupe fiable et solide. Le groupe qui cherche un label dès son premier album et s’il ne trouve pas de label ou si les conditions du label sont trop strictes, alors il décide de sortir son album en autoproduction. Le groupe qui s'en fiche du label et qui veut tout maîtriser de A à Z et qui veut rester underground. Le groupe qui fonde son propre label pour sortir ses albums. Qu’est-ce que t’en penses-tu?
David: Je ne pense pas que Path soit un groupe qui puisse se satisfaire d’une démarche 100% DIY, même si c’est une approche qui me plait chez certains artistes. Le but avec Where the Grass Withers est clairement de signer sur un label. Est-ce qu’on y arrivera? Je n’en sais rien. Dans tous les cas, ce genre de démarches prend du temps et il nous semblait préférable de sortir cet album et de le soumettre ensuite à des labels plutôt que de chercher une maison de disques en sous-marin au risque de sortir ce disque dans deux ou trois ans. On a réalisé un tirage assez limité donc on peut parfaitement imaginer une réédition via un label. Ou au contraire voir cet album comme un moyen de nouer un contact et de sortir le 2e sur un label.
A part la presse, est-ce que vous avez envisagé des concerts pour promouvoir votre album? Quel est la réalité de la Suisse vis à vis des événements “live” (salles de concerts, festivals, scènes ouvertes) ?
David: On y travaille. On aimerait surtout avoir l’occasion de faire nos armes à l’étranger. Du coup, on bosse surtout sur l’organisation d’une tournée “européenne”. On a quelques dates confirmées mais on annoncera tout ça en temps voulu sur nos différents sites/pages.
Je vous remercie beaucoup pour votre disponibilité et pour le temps que vous nous avez accordés. Je vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs.
David: Merci à toi pour cette interview et tes questions recherchées. On manque encore de recul sur ce nouvel album, mais, au vu des retours obtenus ces dernières semaines, j’ai le sentiment qu’on a accompli quelque chose avec ce disque. Et qu’on a de la marge pour aller encore plus loin avec le prochain. Allez, un scoop pour toi, il s’agira d’un album concept. Mais je ne t’en dis pas plus.